Exquise lenteur

Dispositif et pièce chorégraphique en deux temps, Sublimis est une création contemporaine présentée ce vendredi lors du festival « Des souris, des hommes » à Saint Médard en Jalles. Le collectif a.a.O invitait « à goûter à un sensible qui performe l’inertie ».

Sophie Dalès (au premier plan) et Carole Vergne ont chorégraphié et interprété Sublimis.

Déambulation. Lumière tamisée d’un bleu sourd, on pénètre dans Sublimis comme l’on pénètre en soi-même : en introspection. Happé par une musique lourde qui fait trembler notre intérieur autant que les parois de la pièce, le visiteur est invité à déambuler entre les différentes installations. « Chaque chose est à goûter, rien n’est imposé »,  souligne Carole Vergne chorégraphe et danseuse aux côtés de Sophie Dalès.

Insoumis à l’arbitraire de l’écran, ici, les dispositifs sont multiples et se butinent. C’est ainsi que Carole Vergne et Hugo Dayot, artistes et membres du collectif, ont conçu le projet. Ce dernier s’est nourri d’images, de pixels et de projections vidéo. Sur un mur, des calques travaillés aux filtres sont plaqués contre la lumière artificielle. On y distingue des mains, des dos. Courbés, pliés, tendus.

IlluO.

Illustration réalisée sur papier calque issue d’un travail de filtrage par le collectif a.a.O.

Mêlant corps et nouvelles technologies, Sublimis est un dialogue entre ces deux univers. Sur cette dialectique, Carole exprime son ressenti : « C’est difficile d’être en concurrence avec des images et des écrans. Notre dispositif est davantage archaïque, c’est un recentrage corporel ». Si Carole souhaite qu’aucune œuvre ne prime sur l’autre, la danse est pourtant ce qui capte presque naturellement le visiteur.

Cette respiration charnelle est insufflée par deux corps dénudés recouverts de talc, gisants dans la pièce centrale. Ils se meuvent d’une exquise lenteur. Sublimis est un temps suspendu, où le corps se relâche, posé et déposé à la fois. Chorégraphie sensuelle alternant crispation, tension et étirements.

Sublimation. Si l’œuvre est en deux temps, elle ne pourrait se dissocier. La première partie est nécessaire pour entrer dans cet état proche de la transe, sans laquelle on arriverait trop brutalement dans la deuxième. Dans cette création contemporaine, le hip-hop s’invite dans la danse et vient saccader, accélérer la torpeur ambiante. Des spasmes sonores envahissent la pièce et secouent ces danseuses anonymes.

Toujours baignée de ce bleu transcendant, la chorégraphie s’achève et les corps viennent mourir sous les projecteurs. Aussi lentement qu’ils sont nés. Les deux chorégraphes ressuscitent alors d’un long voyage onirique et hallucinogène. Posés au sol, les visiteurs semblent tout aussi engourdis. Après une telle inertie, difficile de s’extirper de ses rêveries .

Elodie Cabrera

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